CHAPITRE 2

Je suis posté devant l’entrée de l’école et je vois Roger qui arrive en roulant les mécaniques. Pas besoin de jouer les gros durs devant moi. Barraqué comme il est, il a bien la gueule de l’emploi.
Roger : Teo, enfin ! Mec, où t’étais ? Moi : Où j’étais ? Et toi, qu’est-ce qui te prend à braquer un flingue sur une fille ? Roger : Écoute ça, c’était trop de la balle ! Moi : Quoi ? Tu déconnes ?!? Roger : Dis-moi pas que t’es pas au courant ! Hé mec, j’ai maté Paige la fragile ! Et t’as loupé la scène… Moi, prenant un air dégoûté : Wow, quelle nouvelle ! Roger : T’imagines pas. Comme d'hab, elle était dans son monde, regardait même pas où elle allait. Elle a marché droit sur moi, et a fait tomber tout son bordel. Son ordi, son tél, ses bouquins d’intello. Puis elle m’a demandé de l’aider à ramasser ses merdes en me traitant de « gros lourd ». T’y crois ? Moi : Et ? Roger : Je lui ai dis d’aller se faire foutre et je lui ai collé un bon gros flingue sur la tempe. Elle a commencé à crier comme une folle, à pleurer... C'était trop drôle. Moi : Je ne vois pas ce qui est drôle… Roger : Allez Teo, ne fais pas ta minette… C’était du fake. Sous le flingue, je peux te dire : elle bougeait pas d’un pouce, la môme ! Mais qu’est-ce qu’elle braillait ! Des gars curieux commençaient à arriver, alors je me suis cassé. Moi : Merde Roger ! C’est nase ce que t’as fait ! Roger : Teo, c'était pour le fun ! Si j'avais eu un vrai flingue, ça aurait été génial !! Elle se serait pissée dessus, la meuf ! T’aurais dû voir sa tronche... Moi : Tu penses que t’es un super mec parce que tu tapes sur les filles ? Roger : Va te faire voir, Teo. C’est toi qui réagis comme une gonzesse. Moi : C’est ça ! Sauf que si Paige commence à te balancer à la direction du bahut, tu risques d’avoir des problèmes. Roger, se redressant fièrement : T’inquiète, elle dira rien ! Allez, on se fout de Paige et de sa trouille de pisseuse. Tu ne sais pas la dernière ? Josh m’a lâché qu’on allait enfin obtenir des armes. Des petits flingues, dans un premier temps... Cool, hein ? Moi, les yeux ouverts comme des soucoupes volantes : Ici des gens se font tuer tous les jours, et toi, tu veux avoir un vrai flingue entre les mains ?! Roger : Mec, c'est de la légitime défense ! Personne ne viendra plus me faire chier. Moi : Je te connais, Roger. Tu ne vas pas l'utiliser pour te défendre… Roger : Et alors ? Moi, histoire de changer de sujet : T’as vu Josh récemment ? Roger : La dernière fois que je l’ai vu, il avait l'air défoncé. Il m’a dit en crânant grave qu'il avait plus besoin de venir au bahut. C’est le big boss de la ville, le maire VK lui-même, qui s’occupe de lui. Moi : Je n'arrête pas d'entendre parler de ce VK, le maire de la ville. Roger : C’était un ancien businessman pété de tunes. Un gros dur dans un costume bien taillé. Josh est en admiration totale devant lui. Moi : Allez, on parlera de lui un autre jour. Faut qu’on se grouille. On a cours !
On se dirige en mode zombie vers la salle d’informatique. Comme chaque jour, le prof nous propose de prendre nos « meds », posés bien en vue à l’entrée. Une façon déguisée de nous déglinguer un peu plus les neurones ! Perso, j’ai toujours refusé de prendre cette daube. Je vois bien que c’est à cause de ces médicaments que ma mère va si mal. Ce n’est pas la seule d’ailleurs. La plupart des habitants d’Urbansville sont devenus accros à ces merdes, qui les mettent dans une espèce de somnolence inconsciente et amnésique. « Attention, danger ! », je me dis chaque fois que je vois ces pilules de toutes les couleurs me tendre les bras comme des bonbons inoffensifs. Postés comme des robots devant leurs écrans, des élèves s’envoient des SMS en douce. Certains utilisent déjà la nouvelle app inventée par cette grosse geek de Paige (qui est toute maigre). C’est le seul moyen de ne pas être fliqués par l’intranet du lycée qui est sous surveillance, évidemment ! Au tableau, ce crétin de prof est en train de nous faire l’apologie de l’ubérisation croissante. Un élève lève le doigt, et demande à ce pingouin s’il a entendu parler d’un groupe appelé « L’Alliance », qui préconiserait un retour aux principes de la Mère-Terre... Le prof blêmit, et explique en bafouillant que cette vieille légende urbaine n’existe plus. Alors qu’il débite ses conneries, une autre élève, envoie un texto qui dit que l’Alliance existe bien. À la tête de ce groupe, il y aurait un mec avec des tatouages très spéciaux. Et hop : elle envoie une image d’un tatouage trop stylé ! Au même moment, la fin du cours sonne. Enfin !